Serge Tarassenko – Octobre 2008
Réduire le thème des trois premiers chapitres du livre de la Genèse à un face-à-face, un débat entre les thèses créationniste et évolutionniste me semble se prêter à une manoeuvre subtile de l’Adversaire pour nous faire manquer l’essentiel du message de la Parole.
Le débat mentionné ici ne présente aucun intérêt concernant la vérité de ce qui s’est passé au début de l’histoire de l’Univers. En effet, l’une comme l’autre thèse ne sont que des interprétations issues de l’activité d’un cerveau humain au reçu d’informations provenant soit d’un texte (interprétation créationniste) soit de découvertes scientifiques (interprétation évolutionniste). Dans un cas comme dans l’autre, l’interprétation effectuée par l’être humain projette tout simplement la façon dont le cerveau de cet être fonctionne. Une projection toutefois remarquable par le fait qu’elle conduit à une construction très élaborée de la thèse qui en est issue. Mais aussi élaborée que cette thèse puisse paraître, elle ne fait que décrire ce que l’homme “ressent” suite à son examen des origines de l’Univers, et non ce que sont réellement ces origines.
Comme le rappelait Niels BOHR, célèbre physicien danois, prix Nobel 1922, “La Science ne décrit pas l’Univers tel qu’il est, mais tel que l’homme le ressent”. Ainsi ce face-à-face de thèses issues du cerveau humain, aussi brillantes soient-elles, ne conduit qu’à une rencontre stérile en ce qui concerne la destinée de l’homme. Car cette rencontre ne conduit en aucune façon à la vérité ultime. Cette dernière semble échapper à l’investigation basée sur l’effort cérébral. Est-il seulement donné à l’être humain de l’atteindre? L’extraordinaire message de la Bible, en particulier dès les premiers chapitres de la Genèse, fournit une réponse affirmative. La voici: la vérité est bien plus grandiose qu’un texte, qu’une théologie même, aussi brillante soit cette dernière. Dieu Lui-même, manifesté en et par Christ, EST la Vérité. Vérité infinie, incompréhensible, indescriptible. Et ce n’est point l’homme qui Le rencontre, car, de lui-même, il ne peut rencontrer qu’une thèse, une théologie, un concept de Dieu, autant de projections de l’homme lui-même produites par sa puissance cérébrale. C’est Dieu qui rencontre l’homme, une rencontre qui s’effectue en Christ. En fait, cette rencontre a déjà pris place, c’est-à-dire sur la Croix de Golgotha. C’est sur cette Croix que Dieu a rencontré l’homme, dans le Christ crucifié. C’est déjà fait ! Et j’ose souligner le fait que cette réalité extraordinaire de la rencontre de Dieu avec l’homme est réalisée depuis… toujours !
C’est toute la vérité de “l’Agneau de Dieu, immolé dès la fondation du monde” (Apocalypse 13:8, traduction littérale du grec). Et c’est dans ce remarquable texte des premiers chapitres du livre de la Genèse que l’essentiel de l’oeuvre divine pour rendre cette rencontre réelle est déjà exposé, bien avant les écrits de la Bonne Nouvelle, celle des Évangiles. J’aimerais mettre en évidence trois versets pour illustrer mon propos. Tout d’abord, dans Genèse 1 verset 2, nous lisons : “La terre était informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux”. Sans entrer dans une analyse détaillée de ce verset, arrêtons-nous aux mots du début, c’est-à-dire, “la terre était informe et vide” : • la “terre” ce n’est pas notre planète, c’est le monde de la matière, qui, au tout début, immédiatement après le “big-bang” était limité à la particule X, bien avant l’apparition des protons et des électrons. Quant aux mots “informe et vide”, ils sont la traduction du mot composé hébreu “tohou-bohou” : “tohou” veut dire “vide de sens” ainsi que “désolation”. Cette dernière caractérise l’état d’âme d’un observateur fictif qui aurait découvert que, malgré l’impressionnante et très rapide formation de l’Univers, on ne pouvait distinguer le sens ultime de cette structuration de l’univers. L’existence même de l’être humain, bien qu’apparaissant beaucoup plus tard, allait être marquée par ce vide, cet immense point d’interrogation existentiel. On aura beau jouir de l’existence, où tout cela, y compris notre mort, nous mène-t-il ? “bohou” veut littéralement dire “en lui, c’est”. Il faudra attendre l’écriture de la lettre de Paul aux Colossiens pour trouver le sens profond de ce mot hébreu (Colossiens chap.1 versets 15 à 17). Le verset 17 déclare que “toutes choses subsistent en Christ”, c’est-à-dire qu’en Christ nous trouvons le sens et la cohésion harmonieuse de tout ce qui constitue la création. Christ est la signification et l’aboutissement de toutes choses sans exception.
Voilà Christ annoncé, dès le début de la Parole, comme celui “EN Lui c’est” le sens et la finalité de toutes choses.
Ensuite, comme deuxième point fort, lisons le passage du livre de la Genèse, chapitre 1 verset 31, qui montre l’œuvre divine effectuée, après avoir donné un sens à toutes choses, pour amener la créature humaine à trouver la porte d’entrée dans ce sens à toutes choses. Nous y trouvons ces mots: “Dieu vit tout ce qu’Il avait fait ; et voici cela était très bon”. Arrêtons-nous ici aux mots “très bon” de la dernière phrase.
• en hébreu : “tov meod”, littéralement “bon très”.
Cette inversion des mots “très bon” est utilisée dans le texte original pour souligner le fait que le mot important de cette juxtaposition est le mot “très” (“meod” en hébreu). Comme les rabbins le rappellent, “meod” vient de “maveth”, qui veut dire “mort”. Ainsi le “très bon” signifie “bon, grâce à la mort” (“c’est bon, la mort”, littéralement en hébreu). L’adjectif “bon” utilisé plusieurs fois dans le chapitre premier de la Genèse montre la “conformité avec le dessein divin de ce qui apparaît”. “Dieu vit que cela était bon”, c’est dire que Dieu se réjouit de constater que tout est exactement en accord avec ce qu’Il avait projeté de faire. Mais cette fois-ci, parvenu à la fin de la dernière étape de son ouvrage, Dieu se réjouit encore davantage. Parce que la “mort” fait partie intégrante de cet ouvrage. Mais s’agit-il ici de la mort physique, (“sommeil” en hébreu) comme le pensent les commentateurs (rabbins) ? Non, et les Juifs érudits ne pouvaient le discerner. Il s’agit du décès à la Croix du Calvaire, cette mort du Christ dans laquelle ont été associées toutes les générations humaines. Cette mort ouvre la porte d’entrée dans la nouvelle création, la seule qui dure éternellement. La tragédie de la Croix prolonge ainsi, nous dirons “parachève”, l’oeuvre de la création narrée dans le début de la Genèse. Cette dernière, grâce à cette mort, est transformée en réalité éternelle.
Transformation dans laquelle ce qui est temporel (“les choses ébranlées, comme étant faites pour un temps”, Hébreux chap.12 verset 27) est remplacé par ce qui dure éternellement (“les choses inébranlables qui subsisteront”, même verset). Entre autres, l’être humain est invité à se soumettre à cette puissance de transformation, celle de la Croix, qui conduit au brisement de sa façon de vivre, de ses priorités. Paul écrira, “J’ai été crucifié avec Christ. Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit EN moi”. Il confirme ainsi ce qu’il écrit aux Corinthiens (2 Co 5:17), “Si quelqu’un est EN Christ, il est une nouvelle “création” (“ktisis”, en grec, c’est-à-dire, dans notre contexte “un nouvel ordre en devenir”). Les choses anciennes sont passées, voici toutes choses sont devenues nouvelles”. Ainsi, dès le premier chapitre de la Genèse, le lecteur découvre, grâce au mot MORT, que le dessein de Dieu est d’amener la Création à la perfection, c’est-à-dire à la réunion (Eph.1:10) de toutes choses EN Lui (visibles et invisibles). Une création appelée à être transformée par la puissance de la Croix, cette puissance qui déferle de la mort en Christ, affectant toutes choses (créées EN Lui, Colossiens 1:17). Finalement, et c’est ici que se trouve mon troisième point saillant, la lecture du verset 9 du 2ème chapitre de la Genèse nous présente “l’arbre de la vie”, mentionné avant même celui de la “connaissance du bien et du mal”. Le mot “arbre” (“ets” en hébreu) est utilisé plus de trois cents fois dans l’Ancien Testament. Il peut également prendre plusieurs significations. Tout dépend du contexte dans lequel il est placé. On pouvait laisser le choix de la signification aux interprètes qualifiés. Comme nous l’avons vu au début, il est probable que ce choix se montrera brillant sur le plan académique. Néanmoins il sera le reflet d’une investigation purement cérébrale, et se projettera comme tel. Il est vrai que l’intelligence humaine ne peut que fournir une interprétation. Toutefois, et c’est ici que réside une différence capitale, l’interprétation peut être motivée et conduite par l’Esprit Saint. De ce fait elle s’aligne parfaitement sur le sens profond donné aux mots bibliques par l’Esprit de Dieu, Celui-là même qui a présidé à l’énoncé des Saintes Ecritures en inspirant directement ceux qui ont participé à la rédaction des Saintes Lettres.
C’est ainsi qu’il m’a été donné le privilège de rechercher dans l’Esprit le sens et la place du mot “arbre” dans l’harmonie et la cohérence cachées des Ecritures. Et sans cesse j’ai été ramené au sens des paroles trouvées dans Deutéronome chap. 21, versets 22 et 23. En bref, les mots “arbre” de Genèse chap. 2 verset 9 et “bois sur lequel on pend le condamné”, le “gibet” en quelque sorte, ont un seul et même sens. Ainsi dans ce verset 9 de Genèse 2, les mots “arbre de vie” peuvent être également interprétés spirituellement par les mots “arbre sur lequel est pendu le condamné et d’où sortira la vie éternelle” (voyez aussi Genèse 3:22). N’est-ce point là la Croix du Calvaire, qui se révèle ainsi comme réalité invisible présente dans notre histoire dès son commencement ? Ceci corrobore une autre réalité invisible et présente depuis le commencement : l’Agneau de Dieu, immolé dès la fondation du monde. En fait, tout ce qui est réel, donc invisible à l’intelligence humaine, est présent depuis toujours et devient une partie intégrante, sinon racine même de notre histoire, et ceci dès son commencement.
C’est ainsi que la lumière est jetée sur le sens des paroles de Ecclésiaste chap. 3, verset 15 : “ce qui est (ce qui paraît) a toujours été”, etc… C’est l’une des raisons pour lesquelles la Bible en hébreu ne conjugue aucun temps, puisqu’elle est écrite au présent, le présent qui dure. En résumé, ce qui est extraordinaire dans le texte biblique en considération (chap. 1 et 2 de la Genèse), c’est la place donnée à ce qui fera le sens de l’Histoire et la force motrice de son déroulement. Un déroulement qui amènera l’Histoire, donc notre histoire personnelle, dans une apothéose de vie éternelle, en union totale avec Dieu : Père, Fils et Saint-Esprit. Jugez-en vous-même ! Christ, le sens et l’aboutissement de toutes choses, rendant effective la nécessité de sortir du temporel « ébranlable » de la vie de tous les jours, par la puissance de la mort à nous-même, brisement depuis toujours effectué pour nous à la Croix du Calvaire, une Croix présente dès le commencement comme réalité active, mais rendue invisible jusqu’à la révélation à Golgotha. Que devient alors le débat créationnisme-évolutionnisme dans un tel contexte ? Certes, intéressant sur un plan académique, toutefois source de conflits intellectuels, et pouvant conduire à des conclusions à caractère dogmatique, voire totalitaire. Et tellement aveugle quant au sens ultime des choses. Merci au Seigneur, Père Fils et Saint-Esprit, pour nous révéler, dans les Saintes Ecritures, et ceci dès les deux premiers chapitres du livre de la Genèse, l’extraordinaire réalité de Son dessein pour la création et Sa créature. Une réalité centrée depuis toujours sur le Christ et la Croix qui libère. N’est-ce point là une démonstration sans ambiguïté de Son Amour infini et de Sa Sagesse éternelle ?